#53 La stratégie des haltères, l'alternative à la spécialisation pour les créatifs
Vous pouvez rester curieux, touche-à-tout et vivre de vos passions
Hola !
2 fois par mois, je partage :
soit un point de vue acidulé sur entreprendre au service de ses valeurs, la création digitale ou
l'écriture.
soit une de mes expérimentations
sur ces sujets
Aujourd'hui j'aborde un sujet qui
occupe mes pensées depuis la création de mon entreprise : l’injonction à la spécialisation.
Belle lecture !
Est-ce une bonne idée de se limiter à un seul projet quand on est créateur ?
Je me suis souvent posé cette question.
Et c’est vrai que pas un seul jour ne se passe sans qu’on ne lise à quel point le focus est important dans le business.
Pourtant, le diable se cache dans l’intention.
1. D’où vient cette manie d’être focus ?
Ce besoin d’être focus ne naît pas par hasard.
Il est héritier d’une tradition économique impulsée par un économiste au 18e qui a démontré que la spécialisation augmentait la productivité. Le petit nom de cet économique : Ricardo.
Il fait des calculs savants pour
montrer que tous les pays avaient intérêt à se spécialiser dans la production de biens et de services où ils ont un avantage compétitif et d’abandonner les autres pour bénéficier du commerce mondial.
La révolution industrielle a encouragé la spécialisation et la division des tâches à l’extrême.
Mais ce système a ses limites. Il conduit à la démotivation et à la monotonie. Il diminue la curiosité et la créativité.
Certains diraient qu’ils abrutissent les hommes en les dépossédant de ce qui fait le charme du travail : l’autonomie, la souplesse, la créativité.
De là à faire le lien entre la spécialisation et le désengagement au travail, il n’y a qu’un pas, que je franchis allègrement !
Pourtant, je ne nie pas que certaines personnalités peuvent être plus à l’aise pour développer une expertise très forte sur un domaine très précis, et qu’une spécialisation poussée est nécessaire pour exercer certains métiers.
Si j’ai une tumeur au cerveau, je préfère être opéré(e) par un neurologue que par un généraliste, encore que ! Dans tous les cas, doit-on supprimer les généralistes ?
Non.
Du coup, quelles sont les questions à se poser pour inventer son sentier quand on est indépendant?
2. Est-ce que je veux maximiser ma vie pour la productivité, l’efficience et l’argent ?
La raison pour laquelle la tentation du projet unique est alléchante c’est la simplicité.
Un seul projet à gérer simplifie l’organisation et allège la charge mentale.
Et honnêtement c’est bigrement difficile de gérer la complexité, l’incertitude et le chaos du quotidien d’un créateur surtout à l’ère de la surabondance.
En effet, paradoxalement, plus on multiplie les projets et plus on doit être organisé. Or ce n’est pas forcément la première qualité des créatifs.
Cela est une alternative créative. Mais ce n’est pas la seule.
Amélie Nothomb a choisi de se “spécialiser” dans l’écriture de romans courts. Elle écrit deux livres par an et en publie un.
Camille Lellouche a choisi de combiner les identités : chanteuse, humoriste et actrice. Elle travaille sur plusieurs projets par an.
L’autre raison c’est la rentabilité économique. Les spécialistes sont en général mieux rémunérés que les généralistes.
On vit dans un monde du travail où une majorité de gens pensent encore qu’il faut être le meilleur dans son domaine pour être compétent. C’est absurde, on peut être suffisamment et faire le job.
Malheureusement, il est vrai qu'il y aura toujours des entreprises et des personnes qui préféreront opter pour le spécialiste le plus populaire de sa spécialité que pour un généraliste ou un expert compétent.
Heureusement, ce n’est pas toujours le cas !
D’après mon expérience, si je simplifie l’équation et donc la réalité, je dirais que
les grandes entreprises privilégient la spécialisation,
les petites structures préfèrent les généralistes.
Par exemple, une petite entreprise m’a choisi justement parce que j’étais en mesure de traiter 3 sujets différents :
comment animer un webinaire en direct ?
comment lancer une Newsletter ?
comment écrire des posts LinkedIN ?
Si j’avais été spécialisé sur les posts LinkedIN, cela n'aurait pas fonctionné.
Face à ce constat, l’autre question à se poser c’est : avec qui voulez-vous travailler ?
Personnellement, je préfère travailler avec des personnes créatives qui ont besoin d’un certain niveau de diversité.
Je préfère travailler avec des personnes passionnées, curieuses de tout et ouvertes d’esprit.
Surtout, ce qui m’anime, c’est explorer mes désirs et les frontières de mon identité afin de repousser les limites de ce qui est concevable.
Mon défi est donc : comment ne pas exploser face à la multitude des options possibles ?
Sorry, il n’y a pas de méthode en 5 étapes. Par contre, il y a une alternative sexy : la stratégie des haltères.
3. La stratégie des haltères
Une stratégie intéressante que j’essaye d’appliquer est la stratégie des haltères.
Elle est issue du monde de la finance, une de mes passions.
Les investisseurs qui cherchent à augmenter le capital tout en minimisant les risques répartissent leurs investissements en 2 extrêmes :
des extrémités sécuritaires
des extrémités à hauts risques
Même Warren Buffet, le chantre de la spécialisation et un des hommes les plus riches du monde, a opté pour la diversification ciblée !
Si on applique le raisonnement au milieu de l’entrepreneuriat on peut répartir nos projets en 2 catégories :
les projets sécurisants : ce sont des projets qui vont dégager un revenu à court terme. Ils répondent à un besoin existant. On va se contenter de délivrer une meilleure expérience client ou un service au meilleur prix pour le client et nous-mêmes.
les projets FOUS : ce sont des projets très incertains qui vont nous coûter de l’argent et de l’énergie sans aucune perspective de gains.
Si on prend mon exemple :
D’un côté, j’écris des posts LinkedIN pour 2 dirigeants / mois. C’est une offre FOCUS qui répond à un besoin existant et qui m’assure un revenu minimum sans que j’y passe trop de temps ( 10-20 heures par mois en comptant le commerce)
De l’autre, je développe une communauté Hors Sentiers et j’écris de la fiction et de la poésie pour des artistes. Ce sont des projets FOUS.
4. Le prix à payer
Mener différents projets en parallèle n’est pas un long fleuve tranquille.
C’est le moins que l’on puisse dire !
Je dois faire face à différents défis quotidiens :
l’incertitude : toutes les journées se suivent mais ne se ressemblent pas. Parfois, je mets 2h pour écrire 4 posts pour des clients, parfois je mets 6h. Parfois, j’accompagne 1 seul créateur - parfois j’en accompagne 10. Parfois, j’ai 10 questions de suivi asynchrone à traiter par semaine, parfois j’en ai 100. Cette incertitude complexifie sensiblement mon organisation. Cela vient me chercher sur mon petit “control freak” et me rappeler que la vie est imprévisible.
l’insécurité émotionnelle : je me remets souvent en question. Je culpabilise de me disperser, de ne pas être assez focus, de ne pas en faire assez pour faire avancer mes projets. Du coup, parfois je me compare et là je m'auto sabote. J’ai l’impression que je suis à la traîne au niveau business, que je pourrais finir plus de projets créatifs, que je n’arriverais jamais à matérialiser toutes les idées qui émergent dans ma tête. J’ai l’impression que je perds mon temps quand je procrastine. Mais quand je procrastine c’est là que je suis plus créative. Du coup, je culpabilise car j’ai l’impression que je ne mérite pas de réussir puisque je ne travaille pas si dur que ça… C’est le serpent qui se mord la queue et la cassette qui tourne parfois en boucle dans ma tête et avec laquelle j’apprends à composer. Merci le yoga et la méditation.
l’impatience : je sais qu’en optant pour du hors piste, la temporalité pour réaliser mes aspirations n’est pas la même. Non, je ne vais pas atteindre 10K par mois en 2 ans. Peut-être que ça n’arrivera jamais et au fond cela ne sera pas dramatique tant que je profite du voyage et que je prends soin de ma santé. Ma réussite ce n’est pas travailler 45h par semaine pour m’acheter des choses par orgueil plus que par besoin et finir lessivé à 40 ans.
Si je n’avais qu’un seul message à faire passer ça serait : je suis comme je suis. Et vous aussi vous êtes comme vous êtes.
Peut-être qu’un jour un de nos différents projets prendra plus de place et que nous serons plus focus. Peut-être pas.
Au final, avancer sur notre sentier est plus important que de courir sur une route inventée par d’autres, pour d’autres - pas vrai ?
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Si ce n’est pas déjà fait, vous pouvez :
En lisant ton texte, je me rends compte que, comme monsieur Jourdain, je pratiquais cette stratégie sans le savoir. Je travaille effectivement sur des appels à projets qui me fournissent un revenu régulier. Et puis, des projets innovants, un peu casse-gueule, mais qui me passionnent et me nourrissent sur un autre plan.