Je venais d'avoir 19 ans.
J'étais enthousiaste à l'idée d'intégrer Sciences Po.
Un de mes rêves se concrétisait.
Enfant, je regardais les débats parlementaires avec engouement.
A l'heure où d'autres voulaient être connus, je lorgnais sur le pouvoir.
Oui, j'étais déjà vieille et légèrement mégalo.
En apparence tout allait bien pour moi : l'arrivée dans une nouvelle ville, les débuts de la vie étudiante et la rencontre avec l'indépendance.
En réalité, cette année-là j'ai dû prendre la décision la plus difficile de ma vie.
En 2008, alors que j'entamais mon deuxième semestre, j'ai fait interner ma mère dans un hôpital psychiatrique.
Elle devenait dangereuse pour les autres et surtout pour elle-même.
Ma mère souffre de schizophrénie.
Une maladie très étrange qui vous fait voir et croire des choses que personne ne voit.
La réalité de maman n'est pas notre réalité.
Pendant mon enfance, elle était souvent fatiguée.
Son traitement la mettait K.O.
Elle qui était si expressive devenait apathique dans les jours qui suivaient l' injection.
Si bien qu'un jour, elle en a eu marre. Elle en a eu marre des injections, des visites, de sa prise de poids (+30Kg)... et de tous les effets secondaires.
Peut-être aussi du regard des autres qui la prenait pour une folle.
Elle en a eu marre de lutter alors elle a décidé d'arrêter son traitement.
C'est là que les ennuis ont commencé.
Au début, tout semblait bien se passer.
Je dirais même que je ne l'avais jamais vu aussi en forme !
Elle avait perdu du poids, exprimait ses émotions avec véhémence et paraissait retrouver la joie.
Je commençais à me dire que son traitement n'était peut-être plus utile.
J'ai cru en sa guérison. Je voulais tellement y croire ! Sans doute trop.
Quand on espère tellement que quelque chose va arriver, on est prêt à croire toutes les informations qui confirment cette espérance.
Quand elle commençait à me dire qu'elle entendait des voix, j'ai essayé de me rassurer.
C'est vrai qui n'entend pas des voix ?
Cela s'appelle la conscience non ?
Le problème est que les voix qu'entendaient ma mère tournaient en boucle.
Elles lui disaient que mon père la trompait.
Elles lui disaient qu'elle était persécutée.
Elles lui disaient qu'il fallait qu'elle se barricade.
À un moment, elle menaçait de se tuer pour punir cette femme qui la persécutait.
Je crois que c'est là que j'ai commencé à flipper.
Mais je ne savais pas quoi faire.
Mon père était paralysé, incapable d'agir. Il avait trop peur.
De quoi ? Je n'ai jamais su.
Le plus perturbant est que ma mère oscillait entre état normal et paranoïa.
Quand elle retrouvait ses esprits, elle redevenait la personne la plus douce et aimante de la terre.
Elle me répétait " Ester, je ne suis pas folle - ce sont ces voix qui sont folles. Tu me crois ? Tu verras, je vais aller mieux."
Que voulez-vous répondre à ça ?
Alors j'ai essayé de la convaincre de reprendre son traitement.
J'ai passé des heures à argumenter.
J'ai proposé de l'accompagner, de suivre une thérapie avec elle, de m'occuper de ma mamie en son absence.
J'ai essayé le chantage : son traitement ou ne plus jamais me revoir.
Rien n'y a fait.
Le chantage la mettait dans des colères noires.
Une fois elle m'a tout simplement mis dehors en m'insultant.
C'était dur, mais nous avons tous dit et fait des choses que nous regrettons.
Plus j'insistais, plus elle se renfermait dans son refus catégorique :
" Je ne veux plus ne rien ressentir, il est hors de question que je reprenne les médocs".
Le problème est que la situation ne s'est pas arrangée.
Ses crises ont empiré.
Plus le temps passait, plus j'avais l'impression qu'elle s'enfonçait.
Je me sentais tellement impuissante.
Mes tentatives pour l'aider était un désastre.
Et j'avais peur. J'avais peur que sur un coup de sang, elle commette l'irréparable.
Alors, j'ai pris le téléphone et j'ai appelé son médecin.
Je lui ai expliqué la situation.
Il m'a proposé l'internement pour la protéger.
Une procédure d'urgence pouvait être mise en place.
Il suffisait qu'un membre de la famille signe son document.
J'ai hésité pendant des jours.
Il n'est jamais facile de priver quelqu'un de sa liberté, surtout quand ce quelqu'un est votre mère.
J'ai été lâche. J'ai attendu une dernière crise, encore plus violente.
J'ai compris que les choses n'allaient pas s'arranger. Ne rien faire c'était nous condamner.
Alors j'ai pris le téléphone et j'ai composé le numéro du médecin. J'étais en larmes.
Quelques minutes plus tard, une ambulance est arrivée. Elle l'a amenée pour un séjour de plusieurs mois, le temps de retrouver un traitement adapté.
Cette semaine en coaching, j'étais face à cette entrepreneure qui me confiait :
" Ester, j'ai ces petites voix qui me disent que je n'en fais pas assez.
"J'ai ces petites voix qui me disent que je vais gâcher cette opportunité de developper mon activité pour créer ma vie sur-mesure."
"J'ai ces petites voix qui me disent que je ne suis pas une vraie entrepreneure"
À ce moment-là, j'essaye bien sûr de comprendre d'où viennent ces petites voix.
Il y a forcément une croyance qui se cache derrière.
La croyance ici est : je dois travailler dur pour réussir.
J'essaye de faire prendre conscience à la personne que ces petites voix n'ont rien à voir avec la réalité.
Qu'elles autosabotent sa réussite.
Parce qu'avec ma mère, j'ai vu à quel point ces petites voix pouvaient détruire une personne
Pour autant, je sais que je ne peux pas la forcer à agir contre son gré.
Je peux seulement l'accompagner à flexibiliser cette croyance qui la paralyse.
Je conclus en paraphrasant ma mère
" Tu sais ces petites voix, elles sont vraiment folles ! Même si ça n'est pas facile, je crois en toi. Tu es une entrepreneure ! Ce que tu ressens là crois-moi 99% des créateurs le ressentent. Et certains n'arrivent même pas à en parler. Tu as déjà gagné. ".
Parfois, il suffit d'une conversation à cœur ouvert pour qu'un nouveau chemin s'ouvre.
🌻 P.S : Moi c’est Ester. J’accompagne des créateurs à prioriser leurs idées et imprimer leur style dans leurs écrits. Tous les détails ici.
🌻 P.S.S. : Une fois par mois, j’écris une newsletter privée où je dis tout ce que je ne peux pas dire sur les réseaux sur les questionnements des créateurs. Je partage aussi deux inspirations et un exercice d’introspection. Rendez-vous ici.